Contamination des circuits d’alimentation en eau par Fusarium
La découverte de micromycètes du genre Fusarium dans le réseau hydrique du CHU de Dijon nous a conduit à mettre en place un Protocole Hospitalier de Recherche Clinique (PHRC) dont l’objectif a été de décrire en prospectif, dans le temps et dans l’espace, la contamination par Fusarium dans l’eau de 2 CHU français (Dijon et Nancy), à des périodes d’activités de restructuration et de construction. Cette étude a ainsi permis de mettre en évidence la présence chronique de Fusarium spp. dans les circuits de distribution de l’eau de certains bâtiments hospitaliers.1 Nous avons en effet observé que ces micromycètes étaient "installés" dans le réseau, que leur densité de population variait au cours du temps malgré i) le traitement chloré de l'eau, ii) l'existence de portions de la tuyauterie en cuivre (libérant des ions Cu susceptibles d'inhiber le développement des champignons), iii) et l'absence a priori de sources de C et N utilisables comme substrat de croissance par les champignons. L’identification des souches par biologie moléculaire (amplification du gène du facteur d’élongation TEF-1α par le amorces EF1 et EF2) a permis de montrer la présence de 2 espèces de Fusarium dans le réseau hydrique du CHU: Fusarium oxysporum (majoritaire) et Fusarium dimerum. A notre surprise, ces 2 mêmes espèces ont également été retrouvées dans les prélèvements d’eau de Nancy. En utilisant d’autres outils de biologie moléculaire, mais aussi une étude de compatibilité végétative, il a été possible de montrer l’existence de populations clonales de Fusarium (espèces oxysporum et dimerum), présentes à la fois dans le réseau d’eau de Dijon (Bocage et Hôpital général), celui du CHU de Nancy, mais également dans les circuits d’alimentation en eau d'hôpitaux d'autres pays du monde.2 A ce stade, nous avons donc émis l’hypothèse que certaines souches de Fusarium étaient donc plus adaptées à une vie en milieu aquatique que d’autres souches, et qu’il serait intéressant de comparer le comportement phénotypique de ces souches hydriques avec des souches de Fusarium d’origine tellurique (le sol étant le réservoir naturel du champignon). Divers tests en microplaques ont donc été mis au point pour confirmer cette hypothèse. Nous avons ainsi comparé la tolérance de souches hydriques ou telluriques vis-à-vis de divers agents chimiques comme le chlore ou le cuivre (élément fongistatique), et nous avons par exemple pu constater une meilleure tolérance au cuivre de la part de tous les isolats d’origine hydrique. Enfin, des études de dynamique de population ont également été envisagées pour mieux comprendre le comportement atypique de ces souches isolées de l’eau. Une première expérience réalisée en milieu « sol stérile » a révélé que les croissances fongiques de souches issues du sol étaient plus faibles que celles de souches issues de l’eau. Une deuxième expérience réalisée en milieu « eau du CHU de Dijon » a montré une chute de la croissance des souches telluriques, et à l’inverse une reprise de la croissance pour les souches d’origine hydrique. L’ensemble des ces résultats nous a permis de conclure que nous étions en présence de souches fongiques de Fusarium particulièrement adaptées à une vie en milieu aquatique. 1 Sautour M. et al. 2012. Fusarium species recovered from the water distribution system of a French university hospital, Int J Hyg Environ Health, 215: 286-92. 2 O’Donnell K. et al. 2004. Genetic diversity of human pathogenic members of the Fusarium oxysporum complex inferred from multilocus DNA sequence data and amplified fragment length polymorphism analyses: Evidence for the recent dispersion of a geographically widespread clonal lineage and nosocomial origin. J Clin Microbiol 42:5109-5120.
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